Émergence évocatrice de Burj Al Babas
Dans les plaines verdoyantes du nord de la Turquie, une vision onirique paraît soudain, comme émergeant d’une brume du temps passé : une suite ininterrompue de châteaux de contes de fées, nichée dans l’ombre intimidante des montagnes environnantes. Ces somptueux manoirs, petites répliques de majestueux châteaux du passé, constituent le village de ‘Burj Al Babas’.
Érigée dans la région pittoresque de Mudurnu, caractérisée par ses douces collines et sa végétation luxuriante, la ville de Burj Al Babas se traduit par « Les Tours des Pères », un nom qui évoque la grandeur et l’opulence. Chaque château miniature est une réplique presque parfaite d’un palais princier, avec ses tourelles bordées de créneaux et ses façades ciselées avec précision.
Mais ne vous y méprenez pas : cette idylle architecturale est troublée par un silence sinistre. En effet, ces châteaux, ces chemins pavés, ces haies ornées, appartiennent à une ville fantôme et vide. Alors qu’il aurait dû être le foyer de la haute société, animé par le rire et l’agitation joyeuse de la vie quotidienne, le village est plutôt le témoin silencieux d’une ambition démesurée qui a finalement connu une fin tragique.
Rêves de grands plans : l’origine du village
L’origine de ce village unique remonte à 2014, lorsque la société Sarot Property Group, une entreprise turque de construction de renom, a décidé de transformer cette vaste étendue de terre en un paradis résidentiel luxueux. Ce projet ambitieux prévoyait de bâtir non moins de 732 châteaux miniatures, chacun abritant des équipements de haut standing tels que des piscines, des bains turcs, des salles de sport et des terrains de sport. Le tout, placé dans une zone naturelle luxuriante, était destiné à offrir une vie sereine et agréable loin du stress des grandes agglomérations.
L’objectif du Sarot Property Group était de séduire la clientèle fortunée internationale. Non seulement des ressortissants des pays du Golfe, mais aussi de Russie, d’Asie de l’Est et d’Europe. Ainsi, ils ont investi plus de 200 millions de dollars dans ce projet, espérant créer un village mondain où les ultra-riches pourraient se retirer du monde et vivre comme des rois et des reines des temps modernes. Avec le charme alléchant des histoires de contes de fées et des promesses de luxe, le groupe immobilier espérait faire des profits substantiels.
La chute spectaculaire d’un projet immobilier
Néanmoins, un rêve attrayant sur le papier s’est révélé être un désastre financier dans la réalité. Malgré un nombre considérable de promesses de vente et un investissement massif dans la construction, le retour sur investissement n’a pas été à la hauteur des attentes. Les prix prohibitifs des villas, le marché immobilier capricieux, ainsi que certains problèmes financiers ont entravé le succès du projet. Finalement, le projet a été officiellement déclaré en faillite en 2018.
Il est intéressant de noter que le projet a connu des problèmes presque dès le début. La première fissure est apparue en 2015, lorsque le groupe immobilier a eu des difficultés à obtenir des permis de construire pour toutes les propriétés. Plus tard, en 2016, la baisse du taux de change du lira turc par rapport au dollar a entraîné une forte hausse des coûts de construction et a provoqué une crise de liquidités pour le groupe. En 2018, Sarot Property Group a été contraint de déposer le bilan après avoir accumulé plus de 27 millions de dollars de dettes.
Aujourd’hui, Burj Al Babas est à la fois un avertissement pour les ambitieux et une preuve de la folie des grandeurs de l’industrie de la construction. L’enchevêtrement parfait des châteaux inoccupés contraste étrangement avec le calme environnant de la campagne anatolienne, créant un paysage presque surréaliste.
Le caractère architectural : entre fantasme et réalité
Mais l’échec économique ne diminue en rien la splendeur architecturale de ces maisons de contes de fées. Elles représentent effectivement un mélange éclectique de styles architecturaux allant du gothique au baroque et à l’ottoman. Les façades sont habilement sculptées et décorées avec des ornements délicats. Les caractéristiques architecturales typiques telles que les tourelles, les passages voûtés, les grandes fenêtres et les balcons richement ornés rappellent inéluctablement l’opulence des anciens châteaux européens. Leur grandeur imprègne encore le paysage environnant, comme un monument vivant à un rêve qui a malheureusement été perdu.
Malgré toutes ces imperfections, le village reste esthétiquement attractif. Les villas sont visuellement impressionnantes avec leurs silhouettes gothiques et leurs détails architecturaux ornés. Chaque château est unique en son genre, avec un design et une structure distinctifs. Les architectes ont eu une vision claire d’un village qui serait à la fois visuellement attrayant et élégant. Bien que la vision ait été perdue quelque part en cours de route, le rêve est toujours présent dans l’architecture opulente du village.
Règle du jeu : comment visiter le village de Burj Al Babas
Malgré son sort tragique, le village de Burj Al Babas est devenu une curiosité touristique. Pour les voyageurs intéressés, le village est à un peu plus de deux heures de route d’Istanbul, la plus grande ville de Turquie. Mais avant de vous embarquer dans cette aventure, il est important de noter que l’accès au village peut être restreint. En effet, malgré le fait qu’il sert d’attraction touristique, Burj Al Babas reste une propriété privée. Il est donc essentiel de contacter les autorités concernées pour les arrangements nécessaires.
Visiter Burj Al Babas offre une expérience unique aux voyageurs. C’est comme faire une pause dans un monde fantastique où le temps semble s’être arrêté. Le silence qui enveloppe ce lieu ajoute à son charme mystique, le rendant parfait pour les amateurs de photographie, les curieux ou tout simplement ceux qui cherchent à échapper à la frénésie de la vie urbaine.
En dépit de ses malheurs, le village de Burj Al Babas reste néanmoins une attraction fascinante. Ce lieu, presque irréel, symbolise à la fois l’ambition aveugle et l’échec retentissant. Cependant, pour les curieux et les amoureux de l’architecture, c’est un lieu incontournable pour apprécier la grandeur architecturale et absorber l’histoire récente de l’ascension et de la chute tragique d’une ambition sans précédent.